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Sauvage?

Seize heure à l’ école maternelle du coin de ma rue.

Je l’aperçois de loin tandis que je rentre chez moi. Une silhouette élégante flanquée de deux enfants. Elle jongle avec des cartables, un sac de courses et des petites mains fuyantes. Eux, ils s’agitent, allongent les bras, se dévissent la tête vers les copains et hurlent des prénoms. Ils avancent doucement, tous les trois emmêlés. C’est lorsqu’ils arrivent presque à ma hauteur, qu’elle s’écrie, excédée : « Arrêtez vous êtes des sauvages ! ». Et les petits de grimacer de plus belle, passant du singe au tigre, et imaginant tous les cris de la savane.

Vous êtes des sauvages…

Et toi? Quand es-tu un.e #sauvage ? Quand tu n’es pas rangé.e, pas discipliné.e, pas obéissant.e ? Et si tu es sauvage ? Deviens-tu alors inhumain.e, rude, barbare ?

De Jacques Cartier à Denis Diderot, diverses époques ont comparé cet état du « bon sauvage » à la notion de « civilisation ». Ainsi peu à peu, ce sont devenus des entités séparées. Comme si, il était impossible qu’elles coexistent ou que nous puisions à la fois en la sagesse de notre humanité et aux enseignements de la sauvageté. Nous nous sommes abandonné.es au mental, à la raison, à l’impression de toute-puissance.

Nous avons délaissé le ressenti, l’écoute du corps, l’intuition, la pensée sauvage. Cette pensée qui convie, les synchronicités, les symboles, les analogies, la ritualisation ou encore l’ouverture aux signes. Nous avons oublié notre part spontanée, celle qui connaît le chemin, qui pousse en liberté, celle que l’humain n’a pas marquée,qui n’a pas reçu de « tuteur ». Celle que nous désignons, la plupart du temps, en termes péjoratifs : Sauvage ! Brute ! Primitive !

Mais…

Pour peu que tu t’assoies en silence au creux d’un arbre ou que, de ta fenêtre, tu plonges les yeux au ciel. Pour peu que tu ouvres un petit espace d’accueil en toi et autour de toi, alors elle reviendra cette vibration de la vie même. Peut-être un peu timidement d’abord. Et il s’agira de l’apprivoiser, doucement, car souviens-toi elle est sauvage…

A l’heure où l’enjeu pour la préservation de l’environnement bat son plein, des tentatives de ré-ensauvagement émergent de plus en plus. Il s’agit de ré-implanter dans leur lieu de vie originel, des espèces animales disparues ou l’ayant déserté et de s’abstenir d’y intervenir. De cesser, nous les humains, de vouloir contrôler, mesurer, cataloguer, emprisonner. Nous piégeant par là même.

Et si, nous aussi, nous commencions par nous ré-ensauvager ?

Et si nous décidions de quitter le prétendu sommet de la pyramide, en toute humilité? Et si nous allions à la rencontre de cette contrée sauvage en nous? Peut-être que, finalement, ce sera comme de rentrer à la maison.

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Juste un rien

L’aube se faufile dans la chambre bleue. Elle s’agace de notre sommeil lourd. Elle se concentre par la minuscule lucarne qui prend des airs de vitrail. De ces quelques traits de lumière, ces quelques rais de rien du tout, le lit de nos amours adolescentes s’auréole et devient soudain cathédrale.

Je suis perdue. J’ai suivi la mer me semblait-il. Rien à l’horizon sauf quelques mouettes en pointillé. Ou peut-être si, lui. Il apparaît peu à peu, sorti de nulle part, pieds et roues mêlés. Il s’arrête devant mon égarement, me montre du doigt le paysage, les rues, sa carte intérieure. Il prend le temps de me dire, de me guider. – Merci Monsieur. – De rien. Et dans un mouvement léger, il s’étire vers les flots.

Nous rions en rentrant du jardin, les joues barbouillées, en tendant le panier rouge de fraises à Marie. Dans la magie de sa cuisine, en un tour de main, elle prépare un délice. Et devant nos humm! réjouis, elle nous répète : C’est trois fois rien !

Je ne dors plus dans la chambre bleue depuis longtemps pourtant j’adore la caresse des petits matins.

Jamais vous ne saurez que, sur votre vélo perché , vos regards pétillants ont teinté de mes sourires cette journée-là.

Bien sûr, je les prépare autrement les fraises de nos étés mais les trois fois rien roulent en murmure sur mes lèvres à présent.

Et tous ces riens tissés aux fils de notre mémoire, pleins, vivants, vibrants. Que nous égrènerons de nos doigts à nouveau malhabiles et qui finalement, auront été… tout.

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L’ingrédient secret

Chaque été, je les attendais tellement ces semaines que je passais au creux de toi. Et la douceur du chat et les balades dans les bois et les roulades dans l’herbe tendre. Mais par dessus tout, c’était ces dodues gourmandises que je guettais. Dès que leurs jolies fleurs commençaient à s’arrondir , je m’installais dans le parterre, dans un tête à tête complice. Alors toi, accroupie derrière moi, tes mains enserrant mes menottes, dans un murmure, tu m’apprenais. Jour après jour, tu reprenais la leçon, tu dirigeais mon attention, tu faisais danser mon imagination. Tu me racontais, les graines, la terre, l’eau, leur magie. La pluie et la timidité des jeunes pousses, le soleil et la fierté des tiges aguerries, la brume et la délicatesse des pétales soyeux, les oiseaux et la plénitude des fruits ventrus. Tu m’enseignais la préciosité des joies simples, tu m’apprenais la patience.

Quand, enfin, d’un sourire entendu, tu me tendais le panier, m’en saisissant, je courais de toute la force de mes gambettes vers le coin de paradis convoité. Et là, à corps perdu, à bouche défendue, je plongeais en son coeur avec délice. J’en mangeais autant que j’en cueillais, peut-être plus. J’en revenais, le regard un peu bas; un petit bouquet de myosotis ou de pissenlits à la main. Mais, les rouges traîtresses s’étaient vengées, me barbouillant du menton aux oreilles et toi, tu ne ne faisais que sourire. Tu attachais autour de ma taille ton grand tablier et tu m’asseyais sur la table de bois.

Tu avais déjà préparé le Earl Grey léger en faisant bouillir quinze centilitres d’eau, une cuillère à soupe de thé et en l’ayant laissé infuser cinq minutes. Moi, je lavais, séchais et équeutais les fraises. Puis, tu les éminçais dans le sens de la hauteur en carpaccio et les disposais dans le plat. Tu hachais grossièrement quelques pistaches et les grillais au four deux à trois minutes en les remuant. Ensuite, tu concoctais le sirop en faisant frémir l’eau aromatisée au thé avec cent grammes de sucre qui devait refroidir. Avec ton aide, je nappais les fraises de ce sirop que nous réservions au frigo. Mais au moment de servir, c’est moi toute seule qui parsemais le dessert des pistaches concassées, d’une pincée de thé émiettée (facultatif) , le garnissais d’un bouquet de fleurs du jardin et… d’amour (facultatif indispensable).

Ce matin, alors qu’à ton tour, tu te précipitais, ivre d’enfance, vers un coin de jardin parfumé , je t’ ai crié : « Attends! » et tu as glissé ta toute petite main dans la mienne.


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Retrouvailles

Parce que le moment est venu.

Parce que me sentir au creux de toi, c’est retrouver mon berceau.

Parce que mon coeur et mon souffle ne s’y trompent pas.

T’honorer comme il se doit.

Faire le voeu que nous serons des milliers.

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S’envoler…


Jusqu’à toucher l’infini, déployer nos ailes et trouer le ciel, partir loin, là où les petit.tes que nous étions s’ébattent encore. Un instant, en savourer la puissance.

Ouvrir les yeux et se dire que tout est ici bas, qu’il suffit d’un geste, d’un mot. Se lever déterminé.e et enfin naître à soi

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Simplicité

Prendre le temps de choisir deux jolis artichauts aux reflets violet. Leur ôter les feuilles externes abîmées, couper les pieds. Les cuire 30 minutes dans de l’eau salée à laquelle tu ajoutes un jus de citron. Mais avant de le presser, fermer les yeux et te retrouver au milieu des senteurs de ce petit marché de Bergame. Les rouvrir et écouter le chant du doux bouillonnement.

Faire rouler un instant dans ta paume trois gousses d’ail, les éplucher et les presser. Te laisser surprendre par leur arôme, émouvoir par leur robe fine comme du papier de soie. Y ajouter quelques boutons floraux de câpriers.

Egoutter les artichauts cuits et les laisser tiédir. Les couper à demi et retirer le foin. Les remplir de la préparation ail et câpres. Choisir un beau plat.

Et goûter à la première bouchée comme si c’était la dernière.