L’aube se faufile dans la chambre bleue. Elle s’agace de notre sommeil lourd. Elle se concentre par la minuscule lucarne qui prend des airs de vitrail. De ces quelques traits de lumière, ces quelques rais de rien du tout, le lit de nos amours adolescentes s’auréole et devient soudain cathédrale.
Je suis perdue. J’ai suivi la mer me semblait-il. Rien à l’horizon sauf quelques mouettes en pointillé. Ou peut-être si, lui. Il apparaît peu à peu, sorti de nulle part, pieds et roues mêlés. Il s’arrête devant mon égarement, me montre du doigt le paysage, les rues, sa carte intérieure. Il prend le temps de me dire, de me guider. – Merci Monsieur. – De rien. Et dans un mouvement léger, il s’étire vers les flots.
Nous rions en rentrant du jardin, les joues barbouillées, en tendant le panier rouge de fraises à Marie. Dans la magie de sa cuisine, en un tour de main, elle prépare un délice. Et devant nos humm! réjouis, elle nous répète : C’est trois fois rien !
Je ne dors plus dans la chambre bleue depuis longtemps pourtant j’adore la caresse des petits matins.
Jamais vous ne saurez que, sur votre vélo perché , vos regards pétillants ont teinté de mes sourires cette journée-là.
Bien sûr, je les prépare autrement les fraises de nos étés mais les trois fois rien roulent en murmure sur mes lèvres à présent.
Et tous ces riens tissés aux fils de notre mémoire, pleins, vivants, vibrants. Que nous égrènerons de nos doigts à nouveau malhabiles et qui finalement, auront été… tout.
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