Tout est gris encore. Tu es parti.e à l’aube. Bientôt les sous-sols, les papiers gras, les odeurs lourdes. Et les autres qui, comme toi, à la fois se pressent pour monter dans la rame et s’écartent pour t’éviter. Tu respires en pointillé, tu attends la délivrance.
Déjà, la machine ralentit et dans un crissement d’agonie, ouvre ses portes. Se faufiler dans la cohue, adapter la cadence rapide des gens sérieux, ceux qui ont à faire en ce monde.
Encore un escalier et ce sera la ville. Plus que trois secondes et tu endosseras un autre rôle. Un costume taillé sur-mesure, qui rassure.
Pourtant…quelques notes. Il aura suffit de quelques notes pour que déraille ton train-train quotidien.
Longues et chaudes, des notes de bout de trottoir, d’une violoniste solitaire. Tu fermes les yeux et tu savoures, ton coeur devient guimauve et tes lèvres un papier à musique.
C’est beau!
Au rythme de ta joie, ton regard accroche le pigeon roucoulant auprès de sa belle, le sourire avec fossettes de la marchande, les premiers bourgeons assoiffés, l’azur du dessus, les reflets acidulés des pavés mouillés. Et ce matin, lorsque tu arrives au bureau, au lieu du sempiternel « Bonjour! Bonjour », tu te surprends à murmurer à ceux et celles que tu croises : » Tu as vu comme c’est beau? »
La beauté a toujours fasciné. Elle est l’un des sujets de prédilection de la philosophie et des arts. Subtile, mouvante, les être humains tentent depuis des siècles de la définir, d’en donner des preuves tangibles. « Règle d’or », « Divine proportion », elle a été calculée, théorisée, en architecture ou en musique notamment. Même la Nature, dans les profondeurs du tournesol ou les spirales d’un coquillage est venue corroborer nos quasi certitudes d’avoir domestiqué la beauté et l’émotion qu’elle suscite. Pourtant, comme nous trouvons jolie cette maisonnette bancale au détour d’un sentier, comme nous nous émouvons de la première et maladroite chansonnette de notre jeune enfant. N’y a t -il rien de plus magnifique que la courbe imparfaite de l’épaule aimée ou l’arbre chétif planté et choyé par nos mains impatientes?
Elle glisse la beauté, parfaite insoumise. Elle s’échappe à notre raison. Elle n’est pas raisonnable mais imprévisible. Elle arrête notre course dans l’ici et maintenant et nous donne l’élan vers l’autre, irrésistiblement.
Puisse-t-elle nous élever et nous apprendre à aimer davantage. Tout.
Voici deux propositions à expérimenter si cela t’amuse :
* Pars en reportage près de chez toi : Le temps d’une balade, deviens reporter
et parcours ton quartier en mode « première découverte ». Tu peux noter ou/et
photographier ce que tu découvres. Avoir l’objectif, à ton retour, d’en faire le récit à
une autre personne par exemple va t’aider à sortir de l’habituel et a adopter un autre
point-de-vue. Enjoy!
* Pose des actes quotidiens qui embellissent la vie ou protègent la beauté du monde.
Par exemple : Dresse une jolie table, un plat, joue avec les couleurs. Même et surtout
si tu es seul.e. Ou encore adopte un espace vert. !
Prends le temps de ressentir ce que ces petits changements suscitent en toi.
Nous laisser toucher et s’émerveiller l’espace d »un instant, retrouver la magie et l’envie de la partager. Simplement, juste pour nous faire du bien au coeur et au corps. Et courir après le lapin blanc…
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