Chaque été, je les attendais tellement ces semaines que je passais au creux de toi. Et la douceur du chat et les balades dans les bois et les roulades dans l’herbe tendre. Mais par dessus tout, c’était ces dodues gourmandises que je guettais. Dès que leurs jolies fleurs commençaient à s’arrondir , je m’installais dans le parterre, dans un tête à tête complice. Alors toi, accroupie derrière moi, tes mains enserrant mes menottes, dans un murmure, tu m’apprenais. Jour après jour, tu reprenais la leçon, tu dirigeais mon attention, tu faisais danser mon imagination. Tu me racontais, les graines, la terre, l’eau, leur magie. La pluie et la timidité des jeunes pousses, le soleil et la fierté des tiges aguerries, la brume et la délicatesse des pétales soyeux, les oiseaux et la plénitude des fruits ventrus. Tu m’enseignais la préciosité des joies simples, tu m’apprenais la patience.
Quand, enfin, d’un sourire entendu, tu me tendais le panier, m’en saisissant, je courais de toute la force de mes gambettes vers le coin de paradis convoité. Et là, à corps perdu, à bouche défendue, je plongeais en son coeur avec délice. J’en mangeais autant que j’en cueillais, peut-être plus. J’en revenais, le regard un peu bas; un petit bouquet de myosotis ou de pissenlits à la main. Mais, les rouges traîtresses s’étaient vengées, me barbouillant du menton aux oreilles et toi, tu ne ne faisais que sourire. Tu attachais autour de ma taille ton grand tablier et tu m’asseyais sur la table de bois.
Tu avais déjà préparé le Earl Grey léger en faisant bouillir quinze centilitres d’eau, une cuillère à soupe de thé et en l’ayant laissé infuser cinq minutes. Moi, je lavais, séchais et équeutais les fraises. Puis, tu les éminçais dans le sens de la hauteur en carpaccio et les disposais dans le plat. Tu hachais grossièrement quelques pistaches et les grillais au four deux à trois minutes en les remuant. Ensuite, tu concoctais le sirop en faisant frémir l’eau aromatisée au thé avec cent grammes de sucre qui devait refroidir. Avec ton aide, je nappais les fraises de ce sirop que nous réservions au frigo. Mais au moment de servir, c’est moi toute seule qui parsemais le dessert des pistaches concassées, d’une pincée de thé émiettée (facultatif) , le garnissais d’un bouquet de fleurs du jardin et… d’amour (facultatif indispensable).
Ce matin, alors qu’à ton tour, tu te précipitais, ivre d’enfance, vers un coin de jardin parfumé , je t’ ai crié : « Attends! » et tu as glissé ta toute petite main dans la mienne.
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