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A la plage

Il s’avance. Short de plage vert pomme, longiligne. Un petit garçon poussé trop vite, la démarche maladroite. De loin, le torse, les bras sont constellés de très grandes tâches, trop grandes. A quelques pas, ce sont des myriades de décalcomanies; certaines vives, imprécises, d’autres délavées, sales. Il s’arrête, debout au bord de l’eau, les chevilles à peine trempées. Bouée fluo jaune gonflée à bloc sous un bras replié comme une aile. Immobile, longtemps, trop longtemps. Si longtemps que quelques yeux se lèvent, quelques regards s’attardent, s’interrogent, se fixent, impudiques. Impassible, fluet, imberbe. Les cheveux clairs, peut-être comme ses paupières.

Et puis, il penche la tête vers ses pieds que les langues d’écume enroulent. Surpris comme une première fois. Et sans doute est-ce la première fois. Incroyable découverte de sa peau, de cette toute petite partie de chair qu’il daigne offrir à la mer. Les épaules luisantes de soleil, il tangue, légèrement. Un sourire par intermittence. Révélation de soi, dilatation de son existence, jouissance d’être. Il est là, juste là. Et, sa joie, sa naïveté infantile explosent de tous ses pores. Bien sûr, c’est bizarre, c’est sans doute pas normal. Il n’est sûrement pas « normal ». On dit « différent » aujourd’hui. A présent, presque tous les regards le détaillent, l’écartèlent, le sondent. Bistouri acéré, chaque oeillade le découpe minutieusement, l’analyse. Pour mieux rassurer les autres corps, leur tirer un soupir de pitié, de compassion, de soulagement?

Il est debout, bien droit, il sourit à l’horizon. Comme un film en boucles infinies, comme le flux et le reflux du grand océan; il redécouvre toutes les quelques minutes la caresse des vagues. Cache-cache orteils, picotis, chatouillis, fraîcheur, chaleur, clapotis. Il reste debout immobile, longtemps, trop longtemps. Seuls les flots ont compris.

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